lundi 19 janvier 2015

Starchild de James A Owen: Histoires, Légendes et Magie





Certains livres sont moins faciles à aimer que d'autres.
Parce qu'ils sont moins facile d'accès, refusant la facilité d'une narration directe.
Parce qu'ils reposent sur des parti-pris narratifs ou graphiques radicaux.
Ou simplement parce qu'ils ne sont pas exempts d'une certaine maladresse ou de scories d'une réalisation troublée.
Et pourtant, à condition de leur laisser le temps de nous atteindre, ils peuvent se révéler de vrais trésors.
Starchild de James A Owen représente un peu la combinaison de tout cela.
C'est un livre qui se mérite.

Starchild est né dans la douleur. Il a failli plus d'une fois ne pas voir le jour.
Il aura fallu tout l'acharnement de son auteur pour mener l'aventure à son terme.
James A Owen a dû recourir à l'auto-édition pour publier son livre. En effet, son projet était à la fois ambitieux et éloigné des canons de la bande dessinée traditionnelle. Les multiples problèmes et les retards qu'ils ont engendrés auraient probablement condamné Starchild à n'être qu'un livre qui aurait pu exister.
Mais Starchild existe.

Starchild est né sur les cendres de 3 projets abandonnés: une série de fantasy Pryderi Terra qui ne connaîtra qu'un numéro, un projet abandonné de DC Elseworld impliquant Superman et déjà nommé Starchild et un travail d'illustration autour de Silas Marner (un roman de TS Elliot), qui ne fut jamais publié.
La matrice de Starchild vient de la fusion de ces projets, mais de l'univers des contes de fées et d'anciennes légendes anglaises.

Dès les premières pages, le lecteur est frappé par un style graphique  très particulier, qui rappelle Bernie Wrightson (l'influence est assumée), de Dave Sim (qui se trouve également être un ami de l'auteur) et des illustrateurs classiques du XIXème siècle. les planches sont savamment construites, intégrant des motifs très "art nouveau". L'usage des hachures et d'un noir et blanc tranché dans des compositions très étudiées n'est malheureusement pas toujours d'une parfaite lisibilité.
Starchild n'est pas un livre à ne lire que d'un oeil. Il demande un minimum d'investissement et nous rappelle que la lecture est une chose sérieuse.


Très vite, nous comprenons également que l'auteur ne nous convie pas à un voyage linéaire. Plusieurs époques se chevauchent, tissant une trame narrative complexe qui se dévoile par petites touches. A ce titre, l'introduction de Paul Chadwick inclut une petite généalogie qui peut se révéler assez utile. Résumer l'intrigue de Starchild se révèle donc un exercice délicat. Si toutes les pièces du puzzle finissent par se mettre en place dans les dernières pages, il faut jusqu'alors rester attentif pour ne pas mélanger les personnages et les enjeux. Mais une grande partie du plaisir que procure ce livre réside dans la reconstruction progressive de l'histoire, de la résolution des mystères qui la jalonne, d'autant que l'auteur ne laisse pas aller à la facilité d'une conclusion ésotérique, laissant le lecteur face à un "deus es machina" souvent peu satisfaisant.

Starchild est une histoire de magie, mais aussi une histoire d'histoires.
C'est un livre païen, peuplé de créatures magiques, pareilles à celles célébrées par le Shakespeare merveilleux de Songe d’une nuit d’été et hanté par les forces de la nature. Elles semblent ponctuer l'histoire, à coup de tonnerre et de rafales de vents. 
Mais Starchild est aussi un livre plein d'humour. James  A Owen s'amuse à multiplier les références de fanboy les plus inattendues, incluant Sin City, Cerebus et le Marty Feldman de Young Frankenstein. Neil Gaiman y intervient même sous les traits de Little Neil, bel hommage rendu à ce maître-conteur dans un livre qui célèbre aussi la magie des mots et le pouvoir des histoires et des légendes.

Starchild n'est pas un livre parfait. La difficulté de sa genèse se ressent au fil des pages. les premiers chapitres sont parfois maladroits et tranchent avec les derniers chapitres, particulièrement maîtrisés. La choix de la narration transversale a vite fait de perdre le lecteur inattentif.

Il a pourtant de quoi enthousiasmer celui qui désire s'écarter des chemins balisés de la bande dessinée. Passé le graphisme qui peut paraître daté et la narration passablement compliquée (mais maîtrisée de bout en bout), pour celui qui ne lâche pas le précieux fil d'Ariane, le voyage que propose James A Owen lui laissera une impression durable.
Starchild fait partie des rares livres que je relis régulièrement.
A chaque relecture, je retrouve l'émerveillement initial.

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